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2 mai 2007

Le DPN : progrès scientifique ou tentation d’eugénisme ?

echographieDans les pays industrialisés le dépistage prénatal (DPN) est possible depuis les années ’70 et pendant les dernière décennies, comme dans tous les domaines scientifiques, ses techniques n'ont cessé de s’affiner. Le DPN consiste à effectuer des examens médicaux in utero chez l’embryon ou le fœtus dans le but de détecter une affection grave (anomalies morphologiques ou maladies génétiques) ou une prédisposition de l'embryon à en développer une dans le futur, afin de permettre aux parents de recourir à l’interruption médicale de grossesse (IMG). Le rôle même de la médecine s’est ainsi profondément transformé, car elle n’a désormais plus uniquement le rôle de soigner mais également, et surtout diront certains, celui de prévenir la maladie. Cette logique ne fait que s’accentuer avec les progrès de la science et une société qui vise l’efficacité et le sommet de la performance dans tous les domaines, y compris celui de la santé.
        En France par exemple, 97% des cas de trisomie révélée mènent à une IGM, un chiffre qui ne rime pas nécessairement avec liberté. En effet il y a plusieurs pressions sociales qui poussent les parents sceptiques à entreprendre ce choix : d’abord les handicaps coutent très cher à l’Etat et donc à la collectivité et ceux qui déciderait volontairement la naissance d’un enfant handicapé subissent une stigmatisation sociale, sans compter le risque que l’enfant handicapé exerce recours contre ses parents une fois adulte. En cas de résultats de DPN douteux, les échographistes conseilleront plutôt un IMG préventif, par crainte que les parents décident d’engager une action en justice dans le cas où l’enfant naitrait handicapé.
      
Le Conseil consultatif national d'éthique (CCNE) souligne, dans son avis handicaps congénitaux et préjudice du 29 mai 2001 qu’il existe bel et bien le risque que les parents et les médecins agissent sous la menace de poursuites judiciaires. « Cela risque d’aboutir à l’euthanasie de fœtus parfaitement viables et de déboucher sur une éradication progressive des handicapés : on ne serait pas loin de l’eugénisme. D’après la Le Groupe européen d'éthique il existe une menace d’eugénisme à partir du moment où l’on décide de sélectionner des caractéristiques données, comme le sexe ou autre, pour des raisons non médicales. Mais on pourrait revenir en amont de la question et se demander quels seraient les « bon » critères, s’il y en a, qui permettraient de juger à partir de quel seuil médical une vie est digne d’être vécue. Pensons au cas emblématique de Grégori Lemarchal, décédé de la mucoviscidose le 30 avril dernier. Le courage et l’exemple de combattivité qu’il a donné à tous les jeunes malades n’aurait-il pas été impossible si lui-même n’avait pas été atteint par la maladie ? Qui pourrait, à postériori, dire que son existence ne valait pas la peine d’’être vécue ? Ceci revient à se poser la question du rôle de la souffrance dans notre société : que serait-elle une société sans souffrance ou tout type de faiblesse est éliminé si possible ou refoulé honteusement ? Pendant des siècles la religion a été le garde-fou de ces questions : la souffrance du Christ crucifié représentant l’incarnation même du sens de la vie et de la mort dans une perspective spirituelle. L’identification avec les plus faibles, loin d’être une humiliation et un affaiblissement, était l’origine de la compassion, cet amour chrétien qui ne s’arrête pas devant les apparences. D’une culture où la souffrance avait son droit de cité en tant que source d’humilité et de compassion, nous glissons, en Occident, vers une culture qui bannit la souffrance et la faiblesse ou les déguise quand il est impossible de les éradiquer. Ainsi la nécessité du DPI paraît aujourd’hui une évidence et presque un gage de compassion envers cet être humain défaillant qui s’apprête à naitre. Mais derrière notre bonne volonté ne se cacherait-il pas plutôt notre égoïsme et notre lâcheté devant ce que nous ne pouvons pas comprendre ? Poignantes, à ce propos, les réflexions du scientifique  Jérôme Lejeune, père de la génétique moderne et découvreur de la Trisomie 21 :

"On entent dire : "les maladies génétiques coûtent chères. Si l'on excluait très tôt ces sujets, on ferait des économies énormes !". Il faut reconnaître que les maladies coûtent cher, en souffrance individuelle, comme en charge pour la société. Et je ne parle pas des souffrances des parents ! Mais ce prix, nous pouvons l'évaluer : c'est exactement celui qu'une société doit payer pour rester pleinement humaine".

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